Et Jeanne entendit la voix
Et Jeanne entendit la voix…
Je voudrais tant m’appeler Jeanne pour entendre
Résonner le timbre chaud de ta mélodie
Berçant mon sommeil, me couvrant de baisers tendres,
Tes éclats de voix caressante au saut du lit.
L’interphone muet qui m’emplissait de joie
M’envoie ton image neigeuse au ralenti.
Je ressens ton étreinte tout comme autrefois :
La cruelle réalité m’abasourdit.
Fais-moi des signes, parle plus fort : c’est l’hiver
Ne me laisse pas dans cette froide atmosphère.
Je voudrais m’appeler Jeanne pour t’écouter
Me conter la fin de l’histoire inachevée.
Sonne l’heure du coma, l’heure où tout s’effondre,
Le corps, l’âme, l’esprit, cette part de ma vie.
Terres, chemins et jardins, nul ne peut répondre
Une seule seconde, un déclic de sursis :
Soudain ressurgit l’espoir aux yeux pleins de larmes.
L’attente me susurre un diagnostic fatal
Cette espérance incroyable qui me désarme,
Lancinante ainsi qu’un doux refrain hivernal.
Un lumignon vacillant veut de l’oxygène :
Il en reçoit si peu qu’il ne crie plus sa peine.
Je voudrais tant m’appeler Jeanne pour t’ouïr
Me dire que ce n’est pas ton dernier soupir.
Ce dimanche de décembre si surprenant
Par les sonorités, de ta voix, disparues,
Ta bouche délicate murmurait autant
Qu’elle pouvait les versets de ta foi férue.
Le cœur serré je me penchais sur ton visage
Pour mieux déceler les bribes articulées.
Mais en vain ta volonté redoublée par l’âge
S’obstinait à vouloir toujours tout épeler…
Epuisée la veille du solstice d’hiver,
Tu nous as chanté « joie joie », sur un ton amer…
Je voudrais tant m’appeler Jeanne pour chanter
Avec toi « O sole mio », durant l’été.
Je voudrais tant m’appeler Jeanne, au téléphone,
Pour que tu me répondes, rien qu’un petit souffle.
Maman ! Dis-moi ! Je voudrais tant, mais…plus personne…
Ton être absent crie dans ce silence et s’essouffle !
Les vocalises que tu chantonnais gaiement
S’en sont allées feutrées sur des nuages blancs…
Pour toi qui me manques, maman adorée.
Février 2012
Maria Duhin-Carnélos
Poème tiré du recueil Catimini publié chez Edilivre.